mardi 30 septembre 2014

De quoi souffrons-nous ? L'État et le développement dans les pays du printemps arabe



Alors que l’État a été un instrument décisif de la réussite économique des tigres asiatiques dès le milieu du 20ème siècle, ce même État est une des causes de la stagnation économique d’une bonne partie des pays du monde arabe. Comment et pour quelles raisons en est-il ainsi ? En effet, le développement économique dans ces pays pèse d’un poids beaucoup plus lourd que par le passé sur les institutions politiques ; et il ne s’agit pas seulement de savoir quel ensemble précis de politiques économiques est capable d’être efficace dans tel ou tel pays. L’examen du poids des exportations, les arguments pour ou contre le soutien de la petite agriculture paysanne, ou le degré de recours à l’investissement direct de l’étranger, est bien entendu instructif et nécessaire. Mais reste tout de même une question fondamentale : dans quelle mesure le contexte politique et administratif, indépendamment de tout choix politique, est-il favorable au développement économique dans cette région ?  Assurément, le développement implique une condition préliminaire, à savoir que l’État favorise un cadre général sociopolitique et juridique stimulant les rapports de marché. L’investissement se trouve ainsi encouragé si son environnement  est bien celui de la défense de la propriété et de la prévision ; à son tour, cette situation implique la stabilité politique et un minimum d’harmonie sociale. Sans de telles conditions, les investisseurs ne peuvent pas escompter de bénéfices futurs pour un investissement présent. Un code juridique qui protège les droits des propriétaires et qui puisse être respecté officiellement est un autre impératif.  Un tel code doit évidemment susciter et protéger un marché national et unifié, en limitant ou éliminant les pouvoirs de taxation des autorités locales. Il doit aussi être capable d’encourager un système d’imposition stable et rationnel, favorable à l’investissement. Et en plus de ça, la protection des petites propriétés par l’État est également vitale. Mais les États du « printemps arabe » doivent aussi créer et entretenir toute une série de décisions qui permettent le relancement économique. Ainsi, les services qui facilitent directement la production constituent une de ces conditions. Certains de ces services publics aident indirectement le secteur productif grâce à la formation d’une main-d’œuvre qualifiée et motivée. De plus, à la lumière de l’expérience des tigres asiatiques, le secteur public doit aussi intervenir directement par des subventions ou des investissements dans des industries mais qui sont trop incertaines pour attirer des investisseurs privés. Ce recours au « self-organisation » est certainement une adaptation créatrice à une situation difficile, mais est-ce trop espérer que de croire qu’à la suite d’une crise du système étatique, puisse apparaître une base autonome pour l’élaboration de structures politiques et économiques organiques plus satisfaisantes ?

vendredi 19 septembre 2014

Les élections présidentielles dans la Tunisie postrévolutionnaire et le triomphe de la volonté populaire




S’essayer à une typologie des candidats à la présidence de la deuxième république tunisienne est un exercice à la fois nécessaire, ambitieux, mais aussi délicat. Nécessaire, car si tous les tunisien(ne)s, titulaires de leurs droits civils et politiques, ont la faculté de se présenter à la magistrature suprême les contraintes politiques de la candidature en réduisent le nombre à quelques dizaines. Seuls quelques « privilégiés » sont en position politique de briguer les suffrages des électeurs. Ainsi, s’interroger sur les différents profils des présidentiables peut être un moyen de mieux appréhender la centralité de l’élection directe du prochain président de la Tunisie postrévolutionnaire. En effet, le contexte géopolitique actuel est une donnée perturbante pour établir une sorte de nomenclature des candidats, sans compter les facteurs conjoncturels et ceux tenant à la personnalité des candidats. Délicat enfin, car toute classification suppose des critères permanents pour une comparaison pertinente et au préalable implique de s’accorder sur une définition précise du candidat à l’élection présidentielle.  Comme tous « les espoirs », ces candidats ne peuvent prétendre jouer les premiers rôles immédiatement. Ils témoignent de nouvelles aspirations de la société tunisienne et ils symbolisent l’espoir d’une société nouvelle, assise sur des fondements différents mais pas toujours novateurs et souvent irréalistes. Ils agrègent également sur leur nom les déçus d’une politique donnée ou les mécontentements d’une frange des électeurs. Certains espoirs attirent sur eux la sympathie par le charisme dégagé. L’on sait que la personnalité du candidat est une variable essentielle dans le choix des électeurs. Ces candidats peuvent compter sur cette première étape de l’élection présidentielle pour capter un électorat volatile, dont l’opinion varie au gré des circonstances et des contextes du moment. Pour cette raison, leurs résultats électoraux seront loin d’être ridicules. Mais pour cette raison aussi, leur audience est généralement fragile sur le long terme dès lors que leur combat est monothématique. Seuls les candidats qui conservent les fondamentaux de leur engagement, mais ne se laissent pas enfermer dans leurs revendications principales, arrivent à pérenniser le mouvement politique qu’ils incarnent le temps d’un rendez-vous électoral.