dimanche 28 décembre 2014

L'autre alternative politique de la Tunisie postrévolutionnaire






Depuis la chute de la dictature en 2011, l’organisation d’élection libre et plurielle est perçue par tunisiennes et les tunisiens comme un signe de vitalité démocratique surtout quand cette élection favorise l’alternance au pouvoir. Néanmoins, il ne faut pas croire que la chute d’une dictature signifiera l’apparition immédiate d’une société idéale puisque la désintégration de la dictature n’est qu’un point de départ, une condition sine qua non à l’approfondissement et l’enracinement de la démocratie dans la pratique politique. Des efforts à long terme permettront d’améliorer ce modèle tunisien pour faire face aux besoins des citoyens. Pendant de longues  années, de sérieux problèmes politiques, économiques et  sociaux continueront à se poser et leur résolution exigera la coopération des politiciens avec l’intelligentsia. Ainsi, les prochains gouvernements se trouveront ainsi devant l’obligation de fournir des opportunités à des gens ayant différents points de vue et souhaitant poursuivre un travail constructif par des politiques de développement qui répondent aux problèmes du futur.  Il existe certaines façons d’empêcher un retour vers l’arrière ou une réinstallation de l’ancienne doctrine politique. Connaître à l’avance la capacité de défense de la population peut parfois être suffisant pour dissuader toute tentative. Le premier principe de la défense de cette mentalité est donc de refuser le retour aux anciennes pratiques. En effet, il est très difficile pour les citoyens de s’engager dans les affaires de la Cité s’ils ne sont pas conscients de ce qu’être citoyen veut dire. C’est cette éducation à la citoyenneté qui leur permettra de participer efficacement à la protection et à la promotion de la démocratie. Ainsi, il revient aux pouvoirs publics de favoriser l’éducation des citoyens. Cette éducation doit être débarrassée de tout contenu idéologique. Car, c’est après avoir reçu une éducation citoyenne solide que les citoyens peuvent choisir rationnellement de s’engager dans la « société politique » ou plutôt de rester dans la « société civile ». Il en ressort que, pour la vitalité démocratique, l’information et la formation du citoyen sont des éléments indispensables. Les collectivités publiques doivent aider les citoyens à exercer ces droits, ce qui donnera une meilleure crédibilité à l’élection. Car quel sens donner au vote si les citoyens ne sont pas conscients de l’enjeu de cet acte ?

mardi 11 novembre 2014

Réussir la transition démocratique dans les pays du printemps arabe : Enjeux et défis


Depuis trois ans maintenant, la paix des dictatures arabes a été sérieusement perturbée par une montée de la contestation populaire. Cette contestation usa, pour se faire entendre, de toutes les formes traditionnelles ou inédites du rejet populaire de l’autoritarisme. Ainsi, la multiplication et la généralisation des nouvelles méthodes, inhabituelles, de s’emparer de la scène politique qui s’articulaient alors à d’autre raisons conjoncturelles de mettre la société en mouvement (résultats économiques lamentables, corruptions administratives, perturbations sociales…) font que cette période a été analysées par les spécialistes de la région comme une « ère de trouble » marquée par une tendance de démocratisation, ou encore comme un moment de colère, certes inattendue par les pouvoirs en place, mais qui extériorisait en réalité une frustration longtemps ingurgitée et contenue par les victimes des violences multiformes orchestrées et développées sur la longue durée par les dictatures arabes. Toujours est-il qu’à tous points de vue, le début de la révolution tunisienne est le point zéro, l’épicentre de l’intelligibilité historique, sociologique et politique de la nouvelle vague des tentatives de démocratisation des sociétés arabes. En effet, l’inscription de l’année 2011 dans l’ordinaire et l’imaginaire des pouvoirs et des sociétés arabes comme période de « désordre » ou au contraire comme une période de « renaissance » de la vitalité populaire indique que, par delà toute querelle politique ou idéologique, cette année du zéro est le point géométrique par lequel doit transiter toute analyse de la mémoire et de la situation politique actuelle. Comme repère, l’année 2011 est plus que pertinent pour le cas de l’analyse de la transition démocratique dans la région du « printemps arabe ». Ainsi, cette transition vers la démocratie peut désigner le passage d’un contexte politique oligarchique vers un nouveau contexte où la pratique politique devra dépendre du débat et du suffrage populaire. Autrement dit, parler de la transition démocratique dans le monde arabe, c’est se focaliser sur ce moment de rupture entre les pratiques d’un pouvoir qui règne par la terreur et la pensée unique diligentée par le haut et son contraire, c'est-à-dire l’institutionnalisation d’un accès à la représentation par une compétition au sein d’une pluralité d’opinions politiques qui se côtoient et s’affrontent. Bien entendu, pour conduire à une telle pluralité, les choix des termes et des réformes dits de « transition » devraient être eux-mêmes en soi « démocratiques », c'est-à-dire refléter un large consensus fondateur entre les acteurs politiques appelés à s’affronter dans ce procès de la démocratisation et à déborder le cadre égoïste des idéologies et des attentes partisanes pour se préoccuper, à l’échelle de chaque pays arabe, de l’instauration de la démocratie dans ses termes universels de « pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple ». Un tel programme permettrait à la transition de produire des normes propres à la démocratie classique. Et, sur le terrain institutionnel, d’instaurer une convivialité de fait qui permettait de gouverner la société par un dialogue permettant entre les acteurs politiques de tous bords et le reste de la société civile. Enfin, ce dépassement des égoïsmes partisans permettrait à la transition démocratique d’être le moment de la mise en place d’une démocratie fonctionnelle, c'est-à-dire qui ne tiendrait son sens que de l’invention des mécanismes objectifs et stables de la sélection des élites. 


dimanche 2 novembre 2014

La naissance de la deuxième république : La Tunisie au lendemain des législatives


Les deuxièmes élections démocratiques dans la Tunisie postrévolutionnaire, qui se sont déroulées le 26 octobre 2014, ont vu la droite s’imposer dans la scène politique avec 39 % pour Nidaa Tounès et 31 % pour Ennahdha. De son côté, la gauche est arrivée en troisième position avec 7,3% pour le Front Populaire. Ainsi, les partis de la droite « patriotique » comme celle de la droite « islamiste » ont obtenu des résultats trois fois supérieurs à ceux de la gauche dans ce deuxième scrutin législatif. Ces « performances »  de la droite tunisienne dans certaines régions laissent entrevoir la possibilité d’une résurgence de l’ancienne architecture parlementaire. En effet, les législatives de 2014 marquent un échec flagrant des partis militants : Avec un seul siège pour El-Joumhouri (l’ancien PDP) et de même pour Ettakatol, la présence de la famille démocrate-progressiste, demeure marginale dans le deuxième parlement postrévolutionnaire.   

La répartition des sièges dans le parlement
Classification
PARTI POLITIQUE
NOMBRE DE SIÈGE(S)
1
Nidaa Tounès
85
2
Ennahdha
69
3
UPL
17
4
Front Populaire
16
5
Afèk Tounès
8
6
CPR
4
7
L’initiative
3
8
Le mouvement Populaire
4
9
Le courant démocratique
3
10
Le courant de l’amour
2
11
El-Joumhouri
1
12
Ettakatol
1
13
L’alliance démocratique
1
14
Parti Al-Majd
1
15
Front du salut national
1
16
Les démocrates socialistes
1
17
La voix des tunisiens à l’étranger
1
18
La voix des agriculteurs
1
19
Rad El-eatibar
1


Ces résultats ont confirmé la bipolarisation entre Ennahdha et Nidaa Tounès, déjà perçue de longue date dans le paysage politique tunisien. Néanmoins, il faut noter un certain flou conceptuel post-législatif. L'abondance des analyses n'a guère permis de clarifier théoriquement la nature du problème posé. « Démocratisation », « transition démocratique », « libéralisation politique », « société en transition », sont autant de concepts qui  couvrent des approches peu ou prou identiques et dont les nuances demeurent difficiles à cerner. L'absence d'un cadre de référence théorique rend difficile toute entreprise de décryptage des processus en cours.  La banalisation de la transition constitue-t-elle la  condition nécessaire à toute entreprise de démocratisation ? La « transition  démocratique » suggère-t-elle un « arrangement » dans la sphère  politique permettant une participation institutionnelle  pluraliste, à l'instar du modèle allemand ?