dimanche 28 octobre 2012

Qu'est ce qu'un État ? Périple historique et fonctionnement philosophique





La structure politique qui est convenu de l’appeler « l’État », et qui est nettement en opposition du modèle théologique ou monarchique qu’a connu le monde arabe durant des siècles, est apparue progressivement à partir de « l’âge de la renaissance » dans les cités-états italiennes pour influencer toute la philosophie politique européenne. Cette mutation a été pensée et menée à bien par des philosophes marqués par les nouvelles valeurs humanistes. L’État, en tant que communauté politique rassemblant des gouvernés sous une même autorité, existe certes depuis l’Antiquité. Néanmoins, l’État moderne est qualitativement différent des formes politiques qui l’ont précédé. Il exprime l’aspiration à un pouvoir rationnel, organisé, dans un cadre géographique limité par l’existence d’autres États de même nature à ses frontières. En même temps, il est à lui-même sa propre finalité : il est beaucoup moins tributaire d’une légitimation religieuse que ne l’étaient les monarchies chrétiennes médiévales. Ce qui est essentiel aux yeux des théoriciens et des dirigeants de cet État, c’est sa capacité à faire régner l’ordre sur son territoire, à garantir à ses ressortissants une sécurité minimale pour leur personne et leurs biens, à assurer enfin dans l’ordre international sa souveraineté et sa puissance à l’encontre des ambitions des autres États. Il se distingue ainsi clairement de l’idéal des monarchies universelles de droit divin. L’idéal religieux, le rêve d’un ordre à la fois moral et universel s’estompent devant la notion de l’intérêt particulier de l’État dont on est issu et dont le monarque doit assurer la cohésion contre toutes les tendances centrifuges qui menacent son autorité, en particulier depuis les guerres de religion du XVIème siècle. De manière significative c’est alors qu’apparaissent le terme même d’« État », ainsi qu’une conception de sa nature et de sa place dans la société qui ne sont pas très éloignées des nôtres, même si la notion d’une autorité démocratique en est absente à l’origine. Les périodes antiques utilisaient le mot grec Dêmos Kratos qui signifie « le pouvoir au peuple » ou le mot latin de Res Publica qui signifie la « chose publique ». On est passé progressivement de l’expression status rei publicae qui signifie « la situation des affaires publiques » au concept de status tout court qui correspond lexicographiquement au terme français d’État, ou au terme anglais du state et au terme italien stato. Par exemple, Thomas More (1478 - 1535), chancelier du roi Henri VIII avant d’être condamné à mort par lui pour avoir refusé d’abjurer le catholicisme, a écrit son ouvrage politique majeur, l’Utopie, en latin (il sera traduit en anglais après sa mort). Or, d’après son titre, cette Utopie porte bien de optimo rei publicae statu, sur       « le meilleur état des affaires publiques », c’est-à-dire l’État idéal et la société idéale. Toutefois, l’État moderne n’est pas né de la poursuite d’un idéal moral, ou religieux, mais bien d’une démarche réaliste visant à consolider l’ordre et la souveraineté. Dès l’origine, en effet, les royaumes de France ou d’Angleterre, par exemple, se distinguent de la monarchie chrétienne universelle qui s’incarne dans l’idée d’empire. Le roi est certes  « empereur en son royaume », selon la formule des légistes médiévaux, mais il doit défendre son territoire contre les ambitions des autres rois ou grands seigneurs voisins. Par conséquent, il doit chercher à consolider et à accroître son pouvoir plutôt qu’à mettre en œuvre une morale religieuse préétablie, comme le modèle idéal de l’empereur chrétien l’y aurait incité. En France, Louis IX est probablement le dernier monarque qui ait paru inspiré avant tout par l’idéal de la royauté chrétienne, alors que ses successeurs, notamment Philippe le Bel, ont affirmé leur puissance au plan séculier en n’hésitant pas à affronter l’ordre des Templiers ou même la papauté. Par la suite, le royaume de France n’a pu apparaître comme l’une des principales puissances de l’Europe, à l’époque moderne qu’après avoir surmonté la terrible crise de la guerre de Cent Ans, où s’additionnaient un péril extérieur anglais et le risque de dissolution lié à l’action centrifuge de grands féodaux comme le duc de Bourgogne. C’est donc en surmontant les difficultés par la force que l’État moderne accroît son autorité et sa puissance, qui deviennent, avec le temps, des fins en soi. Cette notion d’un État qui n’existe pas comme une simple composante d’un ordre juste voulu par Dieu, mais qui doit survivre à de nombreuses crises et révolutions, est au cœur de la pensée politique de Nicolas Machiavel, un Florentin qui a personnellement traversé les nombreuses vicissitudes des affrontements civils dans une cité d’Italie centrale entourée de voisins menaçants. Son œuvre majeure, Le Prince, montre comment un chef d’État peut faire face à ces périls en s’inspirant des exemples du passé ; la même approche est développée plus en détail à propos de l’histoire de la république romaine dans ses Discours sur la première décade de Tite-Live. Selon cette approche, la politique possède sa propre cohérence, sa propre logique d’évolution, qui ne doit plus rien à la morale ou à la théologie. Les sentiments moraux ou les passions comme l’admiration ou la crainte ne sont plus que des données et des instruments au service d’un dirigeant politique résolu comme celui auquel Machiavel s’adresse. L’influence de cet auteur sur les penseurs politiques ultérieurs a été considérable et l’idée d’une autonomie de la politique par rapport à la morale s’est peu à peu généralisée. Cette conception correspondait également mieux à la nouvelle situation de la chrétienté occidentale à l’époque moderne, après la division entre catholiques et protestants. Dorénavant, l’idée d’une référence religieuse commune à tous a volé en éclats et les guerres de religion montrent que le monarque doit parfois faire face à l’insurrection de ses sujets d’une autre confession que la sienne. En raison des alliances et des rivalités entre puissances catholiques ou protestantes, les États nationaux en formation sont confrontés aussi bien à des guerres étrangères qu’à des conflits intérieurs. C’est dans ce climat troublé des guerres civiles et confessionnelles du XVIIème siècle que l’Anglais Thomas Hobbes propose une nouvelle théorie des rapports entre le citoyen et le pouvoir. En effet, il estime que l’union des individus au sein d’un corps politique ne va pas de soi, contrairement à la conception admise depuis l’Antiquité et résumée par Aristote selon laquelle l’homme est un « animal politique » (zôon politikon, c’est-à-dire qui vit dans une cité, ou polis). D’après Hobbes, les individus vivant au stade premier, ou « état de nature », de l’évolution de l’humanité ont des intérêts forcément divergents qui les amènent à entrer continuellement en conflit. C’est la fameuse « guerre de tous contre tous ». Par conséquent, l’autorité politique n’existe pas à l’origine. Elle doit être instituée par un contrat, ou covenant. Par celui-ci, l’individu s’engage à renoncer à la liberté absolue, source d’une constante précarité, qu’il connaissait à l’origine. Il accepte de suivre les lois qui incarne l’ordre public et la volonté collective. Là se trouve l’origine de l’État, ainsi formé par la libre interaction et le libre choix des individus sans trouver sa légitimité dans un ordre moral ou divin immanent à la vie collective. Cet individualisme philosophique radical est profondément nouveau et même potentiellement subversif, bien que Hobbes s’affirme comme monarchiste dans son engagement politique pratique. La légitimation de l’autorité politique de l’État moderne se fonde ainsi sur des considérations politiques rationnelles, non plus sur la défense d’un dogme religieux. Le cardinal de Richelieu peut ainsi faire alliance avec les princes protestants contre la monarchie catholique des Habsbourg au nom de la « raison d’État », qui s’affirme pour la première fois aussi explicitement dans les relations internationales. Progressivement, le salut des âmes cesse d’être la fin dernière, l’idéal de l’action du roi, même au XVIIIème siècle dans les monarchies catholiques traditionnelles comme l’Empire d’Autriche. L’ordre politique s’est laïcisé, recentré sur les enjeux de pouvoir dont chacun admet qu’ils constituent l’essence de la politique.

dimanche 21 octobre 2012

La violence sur la scène publique: Vers où ?





Les derniers mois qui viennent d’être achevé ont connu le développement d’un comportement violent étrange à notre révolution pacifique, à notre quotidien calme et à notre tradition ouverte sur l’autre.  Aujourd’hui, la violence est devenue la malédiction qui a touché gravement notre société. Ce problème épineux est devenu la question majeure qui attire de plus en plus les attentions des spécialistes pour comprendre ses causes et ses ressorts. Dans notre contexte actuel, nous sommes obligés à découvrir pourquoi le discours violent a rempli l’espace publique pour se transformer en une monnaie courante entre les différents protagonistes. En effet, nous pouvons remarquer que ce type de comportement est transformé en un produit exposé à être vendu ou acheté en profitant des circonstances postrévolutionnaire marquées par la faiblesse des institutions étatique et leurs incapacité à gérer la montée de la violence qu’il faut bien la résoudre pour faire triompher la rationalité.  

Bien évidemment, la violence fait partie de l’humain mais elle fait partie de la partie irrationnel de l’homme, c’est pourquoi on peut dire qu’il est temps pour définir les racines de ce phénomène. La raison qui cherche les explications avec insistance sur les causalités et les finalités pouvait nous aider pour mieux appréhender la problématique. Le sujet est donc ouvert au débat mais un débat très particulier, c’est-à-dire où il n’y a pas vainqueur et vaincu pour qu’on puisse bien diagnostiquer cette « maladie sociale ». À regarder de plus près, la violence peut être classé suivent une hiérarchie de ses manifestations socio-psychologique. D’une part, nous avons la violence physique qui peut être alimenté par l’idéologie, la pauvreté, ou par un comportement criminel. De plus, ce type de violence peut être aussi collectif ou individuel. N’oublions surtout pas que ce type de violence essaie à travers le recourt à la force à sauter sur l’ensemble des valeurs communes partagées par la société. À ce niveau, l’irrationnel s’avère très dynamique dans l’inconscience de ceux qui use la violence. D’autre part, nous pouvons remarquer l’existence d’autres types de violence comme la violence verbale, biologique et psychologique.  Ce type de violence nous amène à réfléchir profondément afin de répondre aux questions suivantes : Vers où ira notre contrat social qui garantit le respect de l’altérité ? À ce stade peut-on dire que notre société tunisienne assistera-t-elle à un crépuscule moral et étique ? Quel garde-fou mettra-on en place contre ce type de comportement ? Le recours au dialogue et à un discours moralisateur et pacifique semble capital dans ce contexte. Ce dispositif devrait être accompagner par un consensus sociale unanime qui condamne le recourt à la violence. L’éducation à la non-violence paraît une nécessité pour dépasser ce traumatisme socio-culturelle. On peut aussi noter que de point de vue psychanalytique la racine première de la violence est l’orgueil qui se traduit par le désir de domination et d’hégémonie. Néanmoins, à mesure que la société développait les notions de responsabilité et de liberté citoyenne, elle agrandi en elle la possibilité de se protéger contre la violence. Le besoin à la sécurité oblige à lancer une réflexion à haute voix pour approfondir la culture du pluralisme, de la bienveillance et de la paix. Je ne crois pourtant pas, pour ma part, qu’il soit impossible de le faire, mais il me semble que le seul moyen de sortir de l’impasse est d’instaurer un État de droit qui peut rassurer le citoyen et peut-nous aider à sortir de cette fatalité aveugle qui a produit tous les malheurs que nous voyons sur la scène publique.

jeudi 18 octobre 2012

La liberté d'expression: Un devoir envers nous-même




Tout citoyen dispose de la liberté d’opinion et de la liberté d’expression, notamment en vertu de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui stipule que « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions » (article 19), ce qui veut dire que la liberté d’opinion et d’expression y compris la liberté de recevoir et de répandre les informations est l’un des droits fondamentaux civique et politique, qui a été posé dans tous les instruments respectueux des Droits de l’Homme.  Elle trouve ses racines dans la philosophie de la révolution tunisienne avant de faire partie intégrante du discourt politique quotidien.  Le philosophe anglais John Stuart Mill, dans son fameux ouvrage On liberty  appelait la liberté de presse « une des sécurités contre un gouvernement corrompu et tyrannique », c’est aussi un droit constitutif pour un système démocratique dans lequel chacun a le droit de dire ce qu’il pense et de critiquer la seine politique publiquement. En 1945, le président américain Franklin Roosevelt annonça la liberté de discours et d’expression comme l’une des quatre libertés sur laquelle il faut baser un ordre futur après la 2ème guerre mondiale.
En effet, la liberté d’expression est un cadre de droit contenant plusieurs éléments, comme la liberté d’accès à l’information et la liberté de la presse et des médias. Elle est fondée sur la liberté d’opinion et y intrinsèquement liée. Ainsi, le champ de la liberté va de l’expression d’opinion individuelle à la liberté institutionnelle des médias car la philosophie de la liberté est un droit civique absolu qui traduit la citoyenneté en un fait réelle et praticable. La reconnaissance de la liberté d’expression comme une valeur socio-politique suprême pose le problème de la recevabilité de ces notions chez ceux qui possède le pouvoir. Mais ce qui est sérieux, c’est que la société civile éprouve des pressions de force pour protéger les libertés individuelle et collective.
Sur la seine pratique nous assistons à des violations très répondu de ces fondamentaux à travers des restrictions de la liberté d’expression dans beaucoup de pays du printemps arabe comme on peut le constater à travers les rapports de Human Rights Watch ou les rapports d’Amnistie international. À ce niveau , il y a la menace du contrôle étatique, qui peut intervenir sous forme de censure ou d’autocensure.
Le processus de la démocratisation de la société tunisienne dans le contexte post-révolutionnaire a permis de posséder   une grande variété d’instruments et de procédure pour l’exercice du Droit de liberté d’expression. Néanmoins, il y a une obligation pour l’État d’inclure les libertés dans la nouvelle constitution et de fournir des remèdes en cas de violation présumée.  Le rôle de l’éducation et de la culture en tant que moyen d’enraciner le pluralisme dans la société est déterminant et pourrait contribuer de manière décisive, à l’intériorisation des valeurs axées autour des droits de l’homme, la liberté et de la citoyenneté.     

dimanche 7 octobre 2012

Unissons-nous pour la Tunisie





   L’allure monumentale de la révolution tunisienne est chose si frappante que les grandes agences internationales de média ont une tendance à n’en considérer que l’ensemble ou, s’ils en abordent les éléments, à n’envisager que la manière dont ils ont concourt. Depuis la chute de « l’Ancien Régime », la révolution tunisienne a fait l’objet d’une pléiade de travaux, de pamphlets, de films, de documentaires et de romans. Beaucoup d’intellectuels ont senti l’importance de l’événement et le poids de la responsabilité devant l’histoire ce qui a permis aux tunisiens de découvrir une nouvelle image de leurs pays reflétée par le mouvement révolutionnaire.
La mobilisation du peuple entre le 17 Décembre 2010 et le 14 Janvier 2011 a rendu possible de libérer les forces créatrices dans tous les domaines et de faire accélérer les énergies pour montrer la capacité des tunisiens à rester dynamique et avide de liberté.   Le peuple tunisien a montré qu’il était possible de déloger la dictature sans armes, par les forces de nombre, dans une attitude pacifique et positive.
Notre pays a rompu avec les anciennes pratiques où la répression, la corruption et la peur dominaient et contrôlaient toutes les forces vives de la société. C’est grâce à la révolution que nous sommes sortis de la léthargie, du silence pour descendre dans les rues et faire appel à la démocratie, à la pluralité et à l’État de droit. Cette dynamique lancée dans la société tunisienne s’appuyait sur la culture de la citoyenneté et du patriotisme.
Le peuple tunisien a pu réaliser une révolution « new look » différente des autres révolutions qu’a connues le monde durant le 20ème et le 21ème siècle. Le meilleur exemple de la spécificité est le rôle joué par les blogueurs qui étaient les moteurs et les forces actifs des manifestations de masse durant le mois de Janvier 2011. Internet, Facebook et Twitter et tous les autres moyens alternatifs d’information ont été mis à contribution par les jeunes tunisiens. Rappelons que l’ensemble des observateurs et de spécialistes considèrent la révolution tunisienne comme innovatrice sur un nombre important de plan surtout avec ses nouvelles techniques de protestations et son âme pacifique. Il est à remarquer aussi que les femmes ont joué un rôle important et plus symbolique que les hommes dans ce processus de participation aux revendications populaires. Ici, la femme tunisienne a démontré qu’elle a un sens  très élevé de citoyenneté et une expérience très développé du collectif et de l’action groupée et coordonnée.  
La référence à l’État de droit est, depuis le 14 Janvier 2011, de plus en plus fréquente que ce soit dans les débats académique ou dans la lexicologie utilisée par la société civile tunisienne post-révolutionnaire.
La solidarité et la fraternité entre les différentes composantes de la société tunisienne est très importante dans notre contexte actuel surtout qu’un nombre important de « chantiers » nous attend. De point de vue politico-économique nous sommes devant  de sérieuses problématiques qui nécessitent l’union pour faire sortir le pays de l’impasse. Unissons-nous donc enfants de la partie…