dimanche 26 juin 2011

Muséologie, Musées et promotion culturelle dans la Tunisie post-révolutionnaire




  En Tunisie postrévolutionnaire, et malgré une accessibilité culturelle encore problématique pour le grand public, la question du musée est un sujet d’une grande actualité. Les médias portent une attention croissante à la question muséale en se référant notamment au thème du patrimoine et sa relation aux publics. Plusieurs départements universitaires préparent une intégration des approches muséologiques dans leurs cursus. Les institutions concernées (surtout l’Institut Nationale du Patrimoine et derrière elle le Ministère de la culture et du sauvegarde du patrimoine et le ministère du tourisme) réfléchissent actuellement à la définition d’un statut juridique pour le musée, presque inexistant dans le Code du Patrimoine de 1994. Notons qu’une meilleure interprétation du patrimoine, consiste précisément l’une des priorités du projet de la Banque Internationale de Reconstruction et de Développement (BIRD) pour la gestion et la valorisation du tourisme culturel.


Les échanges sur l’expérience muséographique révèlent une forte dichotomie entre le nord et le sud de la Méditerranée. Cette même dichotomie s’exprime entre les types de musées considérés : le Louvre, construit à l’origine pour le « peuple souverain », et qui accueillie désormais 74% d’étrangers autours de ses collections internationales ; les musées canadiens, de tradition plus contemporaine, et soucieux d’instaurer une médiation (basée sur l’interactivité) avec le publics, qu’ils soient nationaux ou internationaux , le Bardo, fondé à l’origine par une initiative avant-gardiste du ministre réformateur Kheireddine Pacha pour abriter des collections d’Antiquité, pose aujourd’hui la question de sa participation dans le développement de la culture et le tourisme touristique. 


En France et au Canada, la connaissance des publics est un « champ » dit de « médiation » très récent, caractérisé par la professionnalisation du contact avec le public (chaque musée détient un « service » du public). La question du public au Louvre, où tout est fait pour accompagner et pour « servir » le visiteur, y est une préoccupation primordiale incorporée dans sa muséographie. Le musée y fonctionne comme un observatoire permanent des publics, et les études produites (de prospectives, d’audiences, d’évaluations et de réceptions, mesure de la satisfaction et du ressenti) en sont le « baromètre ». De plus, une forme éducative et culturelle est élaborée au sein même des musées des pays du nord (notamment le Canada), qui proposent aux visiteurs un mode d’emploi de leur visite avant l’accès même aux collections, à la scénographie dans un cadre d’animation. En ce qui concerne la Tunisie, la question des publics n’y est pas prioritaire, et d’autre préoccupation émergent notamment :     

-                   -   La « fracture juridique » marquant l’inexistence des textes de fondations des musées ainsi que de statuts juridiques de leurs actions. Puis le manque de cahier de charges des compétences de leurs cadres. Les conservateurs n’y sont pas des acteurs culturels, ils n’ont pas de moyens institutionnels et n’ont pas reçu la formation adéquate en muséographie.

-                    -   L’insuffisant intéressant des institutions locales et des municipalités. Avoir un musée est une preuve d’existence locale, dans la mesure où en présentant ses activités et son patrimoine, la population contribue à produire une image de marque de sa région, qui peut aider au développement du tourisme culturel.

-                    -   Une muséographie construite sur l’exposition des savoir-faire et de la technicité sans pour autant mettre en valeur les aspects sociologique et ethnographique. Dans ce contexte, le musée apparait comme un lieu de sauvegarde des arts et d’un patrimoine qui est parfois encore vivant.


En effet, la grande question reste toujours la même : Comment abolir la distance avec le musée ? Comment se produit le fameux « choc esthétique » qui se déclencherait au vu même de l’œuvre de l’art ?  Il faut d’abord considérer qu’il existe plusieurs types de relations noués au public :

-                        -   Lorsque le public est absent, comment le faire venir ? La question de la gratuité se pose. Elle peut être un outil d’une politique et non une fin en soi. Elle peut donner le gout d’aller voir autre chose, elle constitue une sorte d’amorce.

-                    - Lorsqu’on crée un musée, quel type de publics cibler ? Les musées tunisiens (dont le nombre est 82 dont 37 sont sous la tutelle de la ministre de la culture et du sauvegarde du patrimoine), tournés vers le tourisme culturel, rencontrent des difficultés à drainer les visiteurs nationaux. De leurs côtés, le musés de sites archéologique, ont pour objectif de montrer une vision cohérente de l’objet de son Histoire.   

-                    -    Lorsque le public est là, comment valoriser à ses yeux les objets présentés ? Il s’agit pour le muséographe, d’anticiper et d’aller au-devant de ce que souhaite le visiteur. D’abord en créant une expérience émotive et interprétative. C’est la tâche des centres d’interprétations dans leur mission d’aider les visiteurs à comprendre, d’établir une médiation scénographique et théâtrale.          


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vendredi 10 juin 2011

l'Economie tunisienne: Vers Où ? (2)





   La révolution tunisienne a été à l’origine d’une grande espérance et du rêve de l’établissement d’une réelle société civile, d’une démocratie avant-gardiste dans le monde arabe et d’un  système économique ouvert et sans corruption. Cependant, ces évolutions et ces aspirations risques d’être remises en cause par la détérioration rapide de la situation économique durant les 4 derniers mois. Le blocage de l’économie et l’incapacité de répondre aux besoins sociaux, particulièrement dans les régions défavorisées. L’intervention remarquable du ministre des affaires sociales Mohamed Naceur devant les membre de la Haute insistance pour la réalisation des objectifs de la Révolution, a levé le voile sur une des plus grandes supercherie du Régime Ben Ali ; le ministre a mis en évidence le taux effrayant de la pauvreté dans notre Tunisie qui toucherait près de 25% de la population alors que le taux officielle donné par « l’Ancien Régime » est de 4% !!!


Certes, la fragilité de l’économie tunisienne est une réalité. Les études micro-économiques et les analyses de la compétitivité de la société tunisienne après 14 Janvier 2011 avaient mis en exergue les grands maux. Parmi les causes  de ce blocages on peut citer le chômage des jeunes (en particulier les diplômés du Supérieur), les inégalités régionales, la généralisation de la corruption et la faiblesse du secteur privé. A ceci en peut ajouter l’influence de la non stabilité en Libye sur la rentabilité de plusieurs entreprises tunisiennes et la détérioration de quelques secteurs clé dans l’économie nationale telle que le tourisme qui a perdu entre 45% et 50% de son chiffre d’affaire. C’est pourquoi la Tunisie par le biais de son Premier Ministre Béji Caïd Essebsi et par son ministre de finance Jalloul Ayed a appelé, lors de la séance de travail tenue à Deauville sous le thème « Printemps arabe », à faire participer financièrement  nos partenaires  économique pour réaliser la transition démocratique. Ainsi le Premier ministre tunisien a demandé une aide de 25 milliards de Dollars (environ 35 milliards de Dinars) sur 5 ans, à raison de 5 milliards de Dollars par an. Par ailleurs, la Tunisie à demandé une aide onusienne pour l’organisation d'une élection démocratique et transparente de l’Assemblée constituante et pour la gestion de la situation sur les frontières avec la Libye car depuis le déclenchement de la crise dans ce pays voisin, la Tunisie a accueilli environ 430. 000 réfugiés dont 60. 000 libyens. Ainsi le président français Nicolas Sarkozy a annoncé que la France allait accorder un milliard d’Euros d’aide à l'Égypte et à la Tunisie, détaillant le montant de 40 milliards de Dollars, promis lors du sommet de G.8 pour soutenir le printemps arabe.
         
En effet, pour réalisé un consensus national autour d’un programme de relance économique, la Tunisie doit être rassurée par ses partenaires européens, arabes et américains (USA et Canada) mais la Tunisie doit essentiellement compté sur ses propres moyens, sur le patriotisme de ses hommes d’affaires et sur la compréhension de ses ouvriers pour que son futur soit plus brillant.

lundi 6 juin 2011

La révolution tunisienne au miroire de quelques publications récentes







La révolution tunisienne est à l’œuvre. C’est un moment historique pour le pays, mais aussi pour tout le monde arabe qui, à la suite de l’exemple tunisien, commence à se métamorphoser en se débarrassant de leurs dictateurs, les exemples de l’Egypte et du Yémen sont très significatifs à cet égard. Dans cet article, nous focalisons sur les dernières publications liés à la révolution du peuple tunisien, qui ont parus quelques semaines après le grand évènement jusqu’au nous jour.  Le premier, et le plus rapide, est publié à 20 jours de la révolution, plus précisément le 4 Février 2011, sous l’intitulé « La révolution de Braves » signé par Mohamed Kilani qui en 152 pages remonte aux origines de la République et du pouvoir personnel instauré à partir des années 1970 pour comprendre le Background du système autoritaire instauré par Ben Ali et son clan . L’auteur décrit le départ de Bourguiba et l’arrivée de Ben Ali, comme un tournant historique, évoquant le Pacte National, puis l’insurrection intellectuelle, les pillages règlementaires à partir des années 1990, pour passer directement aux rôles de Facebook et des jeunes tunisiens dans la réalisation de la révolution « soudaine ».  L’ouvrage se termine par une prospective de ce que sera la « Tunisie future ».  Puis, à rythme de quelques jours de la première publication de M. Kilani, est paru l’ouvrage de Béchir Tourki  intitulé « Ben Ali, le ripou »  qui en 260 pages essaye d’analyser les modelages des consciences par régime dictatoriale qui donne des belles apparences et prétend répondre aux vœux de l’unanimité populaire, en se basant sur un discoure médiatique bien orienté.  « Ben Ali, le ripou » est probablement l’unique ouvrage à avoir rapporté le maximum d’informations sur la personne interlope qui a présidé à nos destinées 23 ans, et qu’on lira avec un mélange d’amertume et d’extase. Ensuite, en enregistre la publication de l’ouvrage de l’écrivain tunisien Abdelwahab Meddeb intitulé « Printemps de Tunis : la métamorphose de l’Histoire » qui note dans son introduction que « Personne n’avait vu venir la vague de révolte qui, du 17 Décembre au 14 Janvier a fait partir Ben Ali. Personne. Ni les politiques, ni les médias, ni mêmes les services de  renseignement ».  L’auteur évoque deux mots, deu revendications, dominent cette révolution : liberté et dignité. Du geste extrême de Mohamed Bouazizi qui s’immole le 17 Décembre dans une région reculée, au réveil de toute une société civile qui attendait ce soulèvement depuis longtemps. On suit pas à pas les premiers jours de la révolution, l’héritage ambivalent semé il y a plus des décennies par le président Bourguiba.  

Notre dernier ouvrage à présenté dans cet article est un entretient fait avec Vincent Geisser, où le neurologue et le politicien tunisien Moncef Marzouki présente la Tunisie de Ben Ali comme un modèle de dictature insérée dans le marché mondial, alors que les autres pays du Maghreb et du Machreq ne sont pas en reste. De l’Arabie Saoudite à l’Algérie en passant par la Libye, les peuples sont encore et toujours muselés par une police omniprésente. La corruption et les inégalités sociales sont endémiques, ce qui fait le lit de l’islamisme. Contre ceux qui ne se résignent pas à souhaiter l’avènement d’un despote éclairé dans les pays arabes, Moncef Marzouki plaide avec force pour un enracinement de la démocratie dans les traditions les plus ouverte de la culture arabo-islamique. Ce livre, véritable cri d’espoir, est un appel à sortir du fatalisme dans lequel nous enferme  le regard complice des grandes puissances.

Bibliographie :

KILANI (M), La Révolution des Braves, Tunis, Simpact, 2011.

MARZOUKI (M), Dictateurs en sursis : Une voie démocratique pour le monde Arabe, Tunis, Cérès édition, 2011.

MEDDEB (A), Printemps de Tunis: la métamorphose de l'Histoire, Paris, Albin Michel, 2011. 


TOURKI (B), Ben Ali, le ripouTunis, Bachari édition, 2011.
                                 

mercredi 1 juin 2011

A propos d'un livre récent


    

LARGUECHE (D), Monogamie en Islam : L'exception Kairouanaise, Tunis, CPU, 2011, 248 pages. 

    L’histoire des femmes, que l’on s’inscrive dans son sillage ou non, est désormais un champ de savoir académique qui ne cesse de gagner de terrain, profitant de l’avancée de l’anthropologie, de l’histoire des mentalités et de l’interférence féconde entre les diverses disciplines des sciences sociales. L’Histoire, étant devenue plus attentive à l’individu, au privé et au quotidien, a de ce fait reconnu à la femme sa place entière aussi bien dans le vécu que dans la construction de l’identité d’une société. Professeur Delenda Largueche, dans son ouvrage « Monogamie en Islam L’exception Kairouanaise » publié chez le Centre de Publication Universitaire, nous présente l’exception du contrat de mariage Kairouanais ; un contrat qui porte la marque des femmes dans la fabrique du lien matrimonial durant la l’époque moderne. Ainsi, Kairouan, la ville de l’Islam maghrébin par excellence est de tradition monogame. « Al-Çadaq al qayrawani » est un mariage singulier où l’épouse tenait en main les leviers de commande du comportement matrimonial de l’époux : C’est un contrat de mariage singulier dans le monde musulman, stipulant l’interdiction de la polygamie à l’époux. Mieux encore il inverse les termes de l’équation matrimoniale en octroyant à l’épouse le pouvoir marital « ‘içma » faisant d’elle l’exécutrice du divorce de la nouvelle épouse que prendrait le mari lié par ce contrat.




La réflexion du Professeur Delenda Largueche est une lecture critique de la vision réductionniste de la loi et de la société « tunisienne » durant l’époque moderne, vision qui ignore la complexité sociale et ses dynamiques et qui pense en termes de stéréotypes produit sur l’Islam et sa culture. La recrudescence de l’idéologie fondamentaliste, appelant à la « purification de l’Islam » et à l’observance stricte des lois énoncées dans le discours doctrinal dit « orthodoxe » : La coutume Kairouanaise se révèle être une illustration significative de flexibilité possible de la société, de la dynamique jurisprudentielle impulsée par les exigences du moment historique.