mardi 10 mai 2011

Le passé, Le présent, L'avenir




 Le rapport des révolutionnaires de 1789 à l’histoire est complexe ; il leur faut s’approprier une science humaine dont la monarchie française  a fait son apanage, composer avec le mythe des origines auquel renvoient leurs volontés régénératrices, et ce dans le moment même où ils ont conscience d’écrire par leurs actes l’Histoire contemporaine, de la mettre en scène, de créer de nouveaux héros. Babeuf, en Juillet 1789, voit dans le passé les sources de la violence populaire : « Les maitre, au lieu de nos policier, nous ont rendu barbares parce qu’ils le sont eux-mêmes ». Robespierre, le 8 Thermidor (le 11ème mois du calendrier révolutionnaire français), avec l’assurance de l’immortalité, offre sa vie à ses ennemis : « Oh ! Je la leur abandonnerai sans regret, j’ai l’expérience du passé et je vois l’avenir ». Entre ces deux temps, le passé et le futur, l’ancien et le nouveau régime, pour certains l’Histoire et le Jugement dernier, quelle place réserver à un présent qui résiste ? Je pose comme credo centrale des « Hommes de la Révolution » que la Révolution n’a pas d’âge ; que chaque génération peur à bon droit se dire la première ; qu’eux-mêmes sont des « enfants sans mères », selon l’épigraphe de L’Esprit des lois, ce que Bruke traduira sarcastiquement par « les mouches d’un seul été » ; qu’ils sont en mesure de construire délibérément et intégralement l’ordre social et politique ; qu’à cette construction ne peut servir rien qui appartienne au passé. L’Histoire ne fournit ni précèdent ni appui, la durée n’a rien à dire sur la valeur. Sans doute la lecture de Locke peut-elle inspirer une telle attitude. Dans ses deux traités de gouvernement (1690), n’affirme t-il pas que la dissolution de la souveraineté laisse le sujet redevenir homme, libre de sa volonté particulière, membre de la société mais d’aucun corps politique, en droit de recommencer son Histoire : « La révolution plus encore qu’en la disparition de la puissance souveraine, consiste en cette instauration qui la suit … . La notion d’une histoire à construire en cas de dissolution de la souveraineté, histoire à construire dans le vide du pouvoir, la décomposition du processus historique, le décentrement imposé à la causalité révolutionnaire conduisaient la réflexion sur le devenir historique à s’attacher aux mécanismes d’altération et de dissolution de la puissance souveraine, causes premières de la révolution nécessaires » note Jean Marie Goulemot.  
  Les discours sont légion qui paraissent légitimer cette implication dans le temps-présent, elle est en 1789, « année sans pareil », fort différente selon l’origine sociale des témoins, leurs distances du centre du pouvoir. Et pour en rester à des formules célèbres, rappelons l’apostrophe du Conventionnel Lebas après la mort du roi : « Nous voilà lancés, les chemins sont rompus derrières nous, il faut aller de l’avant, bon gré, mal gré, et c’est à présent surtout qu’on peut dire : vivre libre ou mourir. L’ancienneté d’une loi ne prouve autre chose, sinon qu’elle est ancienne… . L’Histoire n’est pas notre code », proclame à lui Rabaut Saint-Étienne, disqualifiant tradition et coutume pour laisser place à la volonté de « recommencer le monde ». Si l’Histoire, perçue dans ses finalités politiques – une histoire philosophique et civique des peuples – des progrès des droits de l’homme et de l’égalité sociale devient un élément essentiel de la politique éducative, le temps présent parait s’imposer. L’accélération, qui rétrécit les champs de l’expérience et met sans cesse en jeu de nouvelles inconnue, impose une complexité qui rend plus qui rend plus urgentes les tentatives d’écriture, de mise en forme, non sans risque : Wolfgang Krug, en 1796, distinguant « l’Histoire récente » et « l’Histoire la plus récente », c'est-à-dire « l’Histoire du jour même », considéré qu’elle a souvent une grande analogie avec l’Histoire mythique, pour ce qui est l’incertitude.   
  

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